Histoire de la maladie

Malgré tous les efforts qui ont été consacrés à la recherche depuis près de deux siècles, les origines de la maladie de Parkinson restent inconnues. Toutefois, des améliorations thérapeutiques significatives ont été obtenues pendant cette période. Le traitement par L-dopa joue notamment un rôle central. Résumé du Prof. ém. Dr méd. Hans-Peter Ludin.

Le traitement du syndrome parkinsonien de 1817 à 2010

Introduction de la lévodopa

James Parkinson (1755-1824)

Le traitement du syndrome parkinsonien de 1817 à 2010

L’histoire du syndrome parkinsonien idiopathique commence en 1817, quand James Parkinson (1755–1824) publie son Essay on the Shaking Palsy (« Essai sur la paralysie agitante ») à Londres. L’histoire de la maladie a été marquée de jalons. Le plus important d’entre eux est l’adoption de la L-dopa (lévodopa) à des fins thérapeutiques.

L’ère pré-L-dopa

James Parkinson, dont malheureusement aucun portrait n’a pu être réalisé, est un homme polyvalent et doué, que l’on peut qualifier de savant universel. Il succède à son père en tant que médecin et pharmacien du district londonien de Shoreditch. Par ailleurs, il fait preuve d’activisme politique, notamment dans ses jeunes années. En qualité de médecin, il s’engage, dans des écrits de vulgarisation scientifique, en faveur d’une amélioration des conditions de vie. Il est connu de ses contemporains comme l’auteur d’un Chemical Pocket Book (« Livre de poche de chimie », 1799) et surtout d’un ouvrage de géologie et de paléontologie monumental en trois tomes, Organic Remains of a Former World (« Les restes organiques d’un monde passé », 1808–1811).

Dans son ouvrage médical le plus significatif, An Essay on the Shaking Palsy, Parkinson décrit en ces termes les symptômes de la maladie qui portera plus tard son nom : « Tremblement involontaire, en certaines parties du corps, avec diminution de la force musculaire ; tremblements n’ayant pas lieu durant le mouvement, mais se produisant alors même que ces parties sont appuyées. Tendance à plier le tronc en avant et à passer involontairement de la marche à la course. Intégrité des sens et de l’intelligence. » Cependant, à l’exception de la saignée, Parkinson ne formule dans son essai aucune recommandation thérapeutique. Il ne considère pas que le traitement médicamenteux soit indiqué avant de mieux connaître la maladie. 

Le deuxième jalon de l’ère pré-L-dopa est posé près de quatre décennies plus tard, par le célèbre neurologue Jean-Martin Charcot (1825–1893). Ce Français, qui exerce à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris, décrit pour la première fois avec Alfred Vulpian (1826–1887) la raideur, que nous considérons aujourd’hui comme l’un des symptômes cardinaux et que James Parkinson n’avait pas mentionnée. En outre, Charcot mentionne d’autres symptômes tels que l’absence de mimique des parkinsoniens et introduit l’éponyme « Maladie de Parkinson ». Dans le cadre de ses examens et études, il observe une légère amélioration chez plusieurs patients après un trajet en train ou en carrosse. Attribuant cette observation aux secousses du carrosse, il développe un fauteuil trépidant.  Par ailleurs, il soupçonne à juste titre une origine cérébrale de la maladie ; ses étudiants développent également un casque vibrant. Toutefois, ces essais thérapeutiques retombent rapidement dans l’oubli.

En revanche, la découverte faite au sein de l’école de Jean-Martin Charcot selon laquelle l’hyoscine, alcaloïde de la belladone, exerce des effets positifs sur les symptômes des patients, subsiste plus longtemps. Le neurologue français dispose ainsi pour la première fois d’un médicament permettant de soulager quelque peu les symptômes des parkinsoniens. Pendant près d’un siècle, les substances anticholinergiques sont restées les seuls médicaments antiparkinsoniens efficaces cliniquement, ce qu’il ne pouvait évidemment prédire. Le recours aux anticholinergiques est toujours d’actualité, notamment pour le traitement des tremblements. Ils sont toutefois utilisés avec beaucoup plus de réserve compte tenu des effets secondaires découverts depuis et de la possibilité de prescrire d’autres médicaments efficaces. Bien sûr, d’autres médicaments ont été recommandés par les successeurs de Charcot. Cependant, les possibilités thérapeutiques médicamenteuses en cas de Parkinson sont encore très limitées, même au milieu du XXe siècle.

Depuis la fin du 19e siècle, des essais thérapeutiques chirurgicaux sont réalisés parallèlement aux traitements médicamenteux. La plupart du temps, ils visent une séparation des voies cortico-spinales pour réprimer les tremblements. Toutefois, il faut attendre les années 1950 pour que Rolf Hassler (1914–1984) et Traugott Riechert (1905–1983) fassent état de résultats exceptionnels après des lésions stéréotaxiques pratiquées dans le noyau ventrolatéral du thalamus (thalamotomie). Par la suite, la plupart des neurochirurgiens reprennent cette méthode. Ce type d’intervention permet de réprimer le tremblement du côté opposé et de limiter quelque peu la raideur. En revanche, ces opérations n’ont aucun effet sur l’akinésie. Jusqu’à l’introduction de la L-dopa, de nombreuses interventions de ce genre sont réalisées dans le monde, avant d’enregistrer une forte chute.

L’ère de la L-dopa

L’innovation la plus importante et la plus célèbre à ce jour dans l’histoire du traitement du syndrome parkinsonien idiopathique est initiée par le pharmacologue viennois Oleh Hornykiewicz. En 1960, ce natif d’Ukraine publie avec son collègue H. Ehringer l’observation suivante : la concentration en dopamine dans certaines parties du cerveau (noyau caudé et putamen) de patients parkinsoniens décédés est fortement réduite. Cette découverte explique également les résultats de la recherche du pharmacologue suédois Arvid Carlsson. En 1958, il rapporte qu’une carence en dopamine déclenchée artificiellement par la réserpine, un antihypertenseur, dans le striatum de lapereaux et de souris, peut déclencher les symptômes du Parkinson, qui disparaissent à nouveau lors de la prise de dopamine. Presque simultanément, A. Bertler et ses collaborateurs décèlent de grandes quantités de dopamine dans le tronc cérébral et les ganglions de la base du chien.

Pendant ces années, il devient également évident que la dopamine constitue un neurotransmetteur autonome dans le système nerveux. Cette observation est essentielle. Jusqu’alors, la recherche partait du principe que la dopamine n’était autre qu’un précurseur de la noradrénaline et de l’adrénaline. Par ailleurs, on découvre à l’époque que la dopamine ne peut pas traverser la barrière hémato-encéphalique. Pour l’anecdote: en 2000, alors qu’Avid Carlsson reçoit le prix Nobel de médecine pour ses recherches sur les lapereaux, Hornykiewicz rentre bredouille. Une décision discutable, quand on sait que Hornykiewicz est également l’instigateur du premier essai thérapeutique de L-dopa sur des ¬patients parkinsoniens.

Le motif : il savait que le jeune chimiste suisse Markus Guggenheim, depuis longtemps directeur de la recherche de la société F. Hoffmann-La Roche à Bâle, avait décelé dès 1913 de la L-dopa dans la nature (vicia faba, fève des marais) et même développé un procédé de synthèse pour la substance, qui fut breveté. Cependant, malgré d’intensives recherches, Guggenheim n’a pas pu trouver d’application clinique à la L-dopa et le brevet est tombé aux oubliettes. Pendant près de 50 ans, il est resté couvert de poussière au fond d’un tiroir. Or, Hornykiewicz se souvient des travaux de Guggenheim et a l’idée de traiter des patients parkinsoniens par L-dopa, le précurseur de la dopamine, dans l’espoir que cette substance puisse, contrairement à la dopamine, traverser la barrière hémato-encéphalique. Non sans difficultés, il parvient à convaincre le neurologue viennois Walther Birkmayer de tester la L-dopa sur des patients parkinsoniens. À l’été 1961, ce dernier traite 20 patients, parkinsoniens pour la plupart, avec de petites doses uniques (50 à 150 mg) de lévodopa administrées par intraveineuse. Les résultats sont fascinants : la L-dopa permet une amélioration spectaculaire de l’akinésie chez les patients parkinsoniens. Par ailleurs, l’effet s’étendant sur plusieurs heures, Birkmayer peut filmer les effets bénéfiques des injections de L-dopa. Dès cet instant, Birkmayer devient un infatigable défenseur du traitement par L-dopa. Après la publication de ses découvertes et de celles de Hornykiewicz, d’autres chercheurs, à commencer par André Barbeau à Montréal, réalisent également des essais thérapeutiques par L-dopa – avec des résultats tout aussi probants.

Cependant, la sphère des spécialistes se montre sceptique, voire hostile. De nombreux experts ont l’impression qu’il pourrait s’agir d’effets placebo, voire d’une imposture scientifique. Étant donné qu’à l’époque, aucun essai en double aveugle n’est réalisé, ni Birkmayer ni Barbeau ne peuvent lever le doute de manière évidente. La véritable révolution scientifique a lieu en 1967 seulement, quand George Constantin Cotzias, de New York, administre chaque jour à ses patients des doses beaucoup plus fortes de L-dopa (de l’ordre de 10 grammes ou plus) par voie orale. Quelque temps après, la Suisse est également approvisionnée en ¬L-dopa. En 1970, elle est commercialisée sous le nom de Larodopa®. À cette époque, nos patients parkinsoniens reçoivent de grandes quantités de L-dopa, parfois jusqu’à 8 grammes par jour. Bien que la plupart des patients souffrent plus ou moins en permanence de nausées et de vomissements en raison de cette posologie, l’introduction de la L-dopa représente un progrès énorme, dont nous avons peine à mesurer toute l’importance encore de nos jours. 

Le neurologue américain Oliver Sacks décrit de manière particulièrement impressionnante les découvertes réalisées dans les cliniques du monde entier dans l’ouvrage Awakenings publié en 1973, plus tard adapté pour le cinéma dans un film avec Robert de Niro. Sacks explique de quelle manière des patients qui végétaient auparavant retrouvent une vie décente grâce à la L-dopa. Pour nous tous, cette époque a véritablement été euphorique. Toutefois, reconnaissons qu’à l’époque nos attentes vis-à-vis de ce traitement étaient excessives. Ainsi, nous espérions entre autres que le traitement par L-dopa permettrait de stopper la progression de la maladie, voire d’aboutir à une guérison.

L’introduction du bensérazide et de la carbidopa, inhibiteurs de la décarboxylase, représente un autre jalon dans l’ère de la L-dopa. Leur histoire est marquée par un paradoxe. Comme nous l’avons mentionné précédemment, pendant des années, le traitement par L-dopa s’est heurté au scepticisme. Pour clarifier les effets observés sous L-dopa (efficacité de la L-dopa ou effets placebo ?), il convenait d’observer ce qui se passe lorsque de la L-dopa est administrée en même temps qu’un inhibiteur de la décarboxylase. L’hypothèse des chercheurs : l’inhibiteur de la décarboxylase empêche la transformation de la L-dopa en dopamine. Par conséquent, il devrait également empêcher l’action de la L-dopa ou tout du moins la limiter fortement. Or c’est exactement l’inverse qui se produit ! L’inhibiteur de la décarboxylase intensifie nettement l’effet de la L-dopa. D’autres recherches rendent plausible ce qui, de prime abord, semble paradoxal : contrairement à la L-dopa, les inhibiteurs de la décarboxylase ne peuvent pas passer la barrière hémato-encéphalique. Ils empêchent donc la transformation prématurée en dopamine de la L-dopa administrée par voie orale se trouvant déjà en périphérie, c’est-à-dire sur son chemin vers le sang dans le cerveau. Ainsi, davantage de L-dopa efficace parvient dans le cerveau et son action est plus forte pour une dose identique.

Cette découverte ouvre la voie d’une amélioration thérapeutique remarquable. En administrant simultanément des inhibiteurs de la décarboxylase, il est possible de réduire la posologie de L-dopa administrée jusqu’à 90 % – et également de limiter considérablement les effets secondaires pénibles tels que la nausée, les vomissements, l’inappétence, les troubles du rythme cardiaque et les chutes de tension orthostatiques. Dans ce contexte, la préparation combinée Madopar® (mélange de bensérazide et de L-dopa dans un rapport de 4:1) est commercialisée en Suisse dès 1973. Simultanément, la carbidopa, inhibiteur de la décarboxylase développé aux États-Unis, est introduite sous forme de Sinemet®, combinaison dans un rapport de 10:1 avec la L-dopa. Avec ces deux préparations, on dispose pour la première fois dans l’histoire d’une possibilité thérapeutique véritablement efficace, également bien tolérée par les patients.  Bien sûr, on a été rapidement confronté aux problèmes du traitement à long terme tels que les mouvements involontaires (dyskinésies), les fluctuations et les effets secondaires psychiques, ainsi qu’à la posologie souvent complexe avec plusieurs prises quotidiennes, conséquence de la courte demi-vie de la L-dopa. Une perte d’efficacité du traitement avec le temps est également devenue manifeste. Cependant, et bien qu’entre-temps d’autres méthodes thérapeutiques aient été développées (nous les aborderons par la suite), la combinaison de L-dopa et d’un inhibiteur de la décarboxylase reste à ce jour la référence en matière de traitement antiparkinsonien.

Méthodes thérapeutiques hors traitement par L-dopa

La découverte de la possibilité d’inhiber la transformation de L-dopa en dopamine à la périphérie à l’aide des inhibiteurs de la décarboxylase conduit au développement des dits inhibiteurs de la MAO-B (rasagiline ou sélégiline), dont on suppose qu’ils pourraient ralentir la dégradation de la dopamine dans le cerveau. Toutefois, cette approche n’apporte qu’une légère amélioration sur le plan clinique. Certes, l’hypothèse d’un effet neuroprotecteur des inhibiteurs de la MAO-B n’a pas pu être réfutée jusqu’à présent, mais elle n’a pas non plus été démontrée de manière incontestable. Par ailleurs, la tolcapone et l’entacapone, inhibiteurs de la COMT, permettent une nette optimisation du traitement par L-dopa. Grâce à ces substances, la dégradation périphérique de la L-dopa en 3-O-méthyldopa (3-OMD) est limitée et la biodisponibilité de la L-dopa est améliorée, ce qui permet de prolonger et de renforcer l’efficacité des doses individuelles de L-dopa. La tolcapone fait son apparition sur le marché suisse en 1997 (Tasmar®) et l’entacapone (Comtan® et préparation combinée Stalevo®) en 1999.

Faisons ici un bond de 30 ans en arrière, exactement en 1969. À l’époque, le neurologue Robert S. Schwab découvre l’action antiparkinsonienne de l’amantadine, un remède antigrippal. Certes, elle est plus faible que celle de la L-dopa, mais il est rapidement démontré que l’amantadine permet une bonne réduction des dyskinésies et des fluctuations.  Un autre développement décisif commence en 1974, avec les études cliniques sur la «bromocriptine», le premier des nombreux antiagonistes dopaminergiques introduits dans la pratique clinique à la fin des années 1970. Ces substances stimulent les mêmes récepteurs que la dopamine dans le cerveau ; leur spectre d’action est donc similaire à celui de la L-dopa. Toutefois, elles sont souvent trop peu efficaces sous forme de monothérapie. D’autre part, on sait depuis longtemps que les patients traités dès le début par un agoniste dopaminergique (sous forme de monothérapie ou combiné à la L-dopa) développent plus rarement et plus tardivement des dyskinésies et des fluctuations que les patients traités uniquement par L-dopa. Cependant, vu le manque d’efficacité mentionné, ces découvertes sont adoptées dans la pratique avec beaucoup d’hésitation. Les nouveaux agonistes ¬dopaminergiques, qui font preuve d’une bonne efficacité thérapeutique, notamment aux stades précoces de la maladie, changent la donne. On sait aujourd’hui que les agonistes dopaminergiques ¬dérivés de l’ergot (dérivés des alcaloïdes de l’ergot tels que la bromocriptine, la cabergoline, le lisuride et le pergolide) peuvent provoquer la prolifération du tissu conjonctif sur les valvules du cœur (fibrose valvulaire cardiaque) et les poumons. Par conséquent, seuls les agonistes non dérivés de l’ergot tels que la rotigotine (Neupro® – patch transdermique), le ropinirole (Requip®) et le pramipexole (Sifrol®) sont utilisés en premier choix de nos jours. 

Parallèlement au développement de nouveaux médicaments, les méthodes chirurgicales de traitement antiparkinsonien font également l’objet de nouvelles avancées après la Seconde Guerre mondiale. Certes, immédiatement après l’introduction de la L-dopa, le nombre de thalamotomies stéréotaxiques commence par chuter nettement. Cependant, depuis vingt ans environ, cette méthode connaît une renaissance. D’une part parce qu’on a remarqué que plusieurs patients dont les symptômes avaient pu être très bien contrôlés par voie médicamenteuse au départ développaient une résistance au traitement, de sorte que des mesures chirurgicales devaient à nouveau être envisagées. D’autre part, parce que les progrès en matière de procédés d’imagerie médicale (tomodensitométrie, IRM) ont rendu superflus les anciens examens neuroradiologiques préliminaires invasifs et permis des définitions beaucoup plus précises du point cible de l’opération. Par ailleurs, des améliorations de la technique neuro¬chirurgicale laissaient augurer un taux de succès plus élevé et moins de risques qu’auparavant.

Il est significatif que depuis près de vingt ans, les points cibles sont généralement sélectionnés dans d’autres parties du cerveau, notamment dans le pallidum et le noyau sous-thalamique. En effet, ces points exercent une influence positive non seulement sur les tremblements, mais également sur les autres symptômes et notamment sur les dyskinésies. En Suède, Lars Leksell réalise les premières pallidectomies en cas de Parkinson dès 1952. Par la suite, cette méthode retombe toutefois en grande partie dans l’oubli, jusqu’à ce que L. Laitinen la reprenne au début des années 1990. Au cours des années précédentes, Alim Benabid (Grenoble) et le neurochirurgien zurichois Jean Siegfried, membre fondateur de notre association, ont déjà démontré qu’il était possible de limiter les tremblements parkinsoniens sans avoir recours à des méthodes destructives, à l’aide de la stimulation électrique. Depuis lors, de plus en plus d’électrodes de stimulation, reliées à un neurostimulateur, sont implantées (stimulation cérébrale profonde) pour remplacer les interventions destructrices et donc irréversibles. Pour être exhaustif, la méthode de l’implantation stéréotaxique de tissu cérébral fœtal, récemment débattue, doit également être citée. Il s’agit d’une méthode purement expérimentale, dont les bénéfices cliniques n’ont pas encore été et ne seront certainement pas évalués avec certitude avant un long moment.

Quelle est la situation actuelle ?

Après 150 années de progrès thérapeutiques limités suivant la première description du syndrome parkinsonien idiopathique par James Parkinson, le développement de la recherche prend un tour vertigineux dans les années 1960. Cet aperçu ne peut décrire que les lignes directrices de la recherche thérapeutique et de l’application clinique. De nombreux chemins de traverse et culs-de-sac sont passés sous silence – bien qu’il eût été tout à fait stimulant de s’intéresser à certaines de ces méthodes thérapeutiques, présentées avec conviction, parfois étayées par des études remarquables, et disparues à nouveau de la circulation au bout de quelque temps sans tambour ni trompette. Par ailleurs, les nombreux traitements auxiliaires (thérapies complémentaires telles que l’ergothérapie, l’orthophonie et la physiothérapie, etc.), qui peuvent s’avérer essentiels pour la qualité de vie des patients, ne sont pas pris en compte. Il en va de même pour la réadaptation des patients parkinsoniens, qui suscite un intérêt grandissant depuis quelques années.

Résumé

Malheureusement, l’espoir de trouver dans un court délai un remède permettant de stopper la progression de la maladie, voire d’aboutir à une guérison, déjà exprimé par James Parkinson dans son An Essay on the Shaking Palsy, n’a pas encore été concrétisé. Tous les médicaments et méthodes de traitement disponibles actuellement permettent seulement de limiter les symptômes. À ce jour, les causes de la maladie restent inconnues. Par conséquent, aucun traitement causal et aucune guérison ne sont encore envisageables. Reste toutefois la certitude que les efforts intensifs déployés dans le monde entier, hier comme aujourd’hui, sont à l’origine de grands succès. Dans le domaine extrêmement complexe de la maladie de Parkinson, les réalisations ont été nombreuses et grâce à elles, le sort des personnes concernées a pu être considérablement amélioré.

 

Introduction de la lévodopa

Sur le plan chimique, l’histoire de Madopar (le mélange de lévodopa et de bensérazide, un inhibiteur de la décarboxylase, utilisé jusqu’à présent dans le cadre du traitement antiparkinsonien) est un véritable polar.  Elle débute en 1913, quand le chimiste Torquato Torquati isole de la fève des marais (vicia faba) une substance azotée qu’il ne peut décrire avec précision. Le jeune chimiste suisse Markus Guggenheim (1885–1970), chef de laboratoire de la société F. Hoffmann-La Roche à Bâle, dont le fondateur Fritz Hoffmann-La Roche apprécie par dessus tout les fèves des marais, reproduit les travaux de Torquati, identifie la substance isolée comme étant la L-3,4-dihydroxyphénylalanine (L-dopa) et développe une méthode de synthèse pour le nouvel acide aminé. Il la soumet ensuite à des tests pharmacologiques complets. Cependant, tous les essais sur des animaux et des organes isolés, de même que les tests relatifs à une action antibactérienne de la L-dopa sont infructueux. En définitive, Guggenheim va jusqu’à risquer une expérimentation sur lui-même et avale 2,5 grammes de L-dopa ; il éprouve de fortes nausées et doit se faire vomir. Il ne découvre aucun autre effet sur son organisme. Trois ans plus tard, Markus Guggenheim perd presque complètement la vue dans un accident de laboratoire.

Toutefois, il reprend son travail en 1918 et retrouve son poste de directeur de la recherche auprès de F. Hoffmann-La Roche jusqu’à sa retraite, en 1948. En 1920, il publie avec sa secrétaire, Melle Schramm, un ouvrage de 376 pages, Les amines biogènes, dans lequel il mentionne la L-dopa en deux phrases seulement. Dans la quatrième édition de l’ouvrage, qu’il complète régulièrement jusqu’en 1951 et qui comptera finalement jusqu’à 650 pages, il décrit encore la lévodopa comme « une orpheline sans indication identifiable ». Ce n’est que dans les années 1960, quand il devient évident que la L-dopa constitue la pièce manquante du puzzle pour un traitement antiparkinsonien pharmacologique, que la production de grandes quantités de L-dopa commence chez F. Hoffmann-La Roche. En 1970, la société commercialise enfin la substance en Suisse sous forme de Larodopa®. Au mois de juillet 1973, Madopar (mélange dans le rapport 4:1 de lévodopa et de bensérazide) prend le relais.

Comment la lévodopa est-elle fabriquée ?

Après la Seconde Guerre mondiale, Roche était l’une des rares entreprises dans le monde à pouvoir fabriquer de la lévodopa. Les matières premières étaient rares et chères, la synthèse complexe et longue. La synthèse Roche, à partir de vanilline et d’acide hippurique, durait plus d’une semaine, avec un rendement inférieur à 40 %. William Standish Knowles, chimiste de la société américaine Monsanto auprès de qui Roche s’est procuré la vanilline pour la synthèse de la L-dopa, a enregistré une nette amélioration. Knowles, qui dirigeait un programme de recherche sur la catalyse d’acides aminés, a réussi à développer un catalyseur permettant la fabrication de L-dopa quasiment pure. La réaction est devenue célèbre dans le monde entier sous le nom de « catalyse asymétrique » ou « processus Monsanto ». Roche a repris la méthode sous licence et s’en sert pour produire de la L-dopa depuis 1975. En 2001, William Standish Knowles a reçu le prix Nobel de chimie avec Ryoji Noyori et K. Barry Sharpless.

 

James Parkinson (1755-1824)

Le médecin de campagne anglais James Parkinson (1755–1824) fut le premier à décrire les symptômes de la maladie de Parkinson en 1817. De plus, comme le Prof. ém. Dr méd. Jürg Kesselring l’a découvert en suivant ses traces, ce londonien était aussi chirurgien, défenseur des défavorisés, géologue et collectionneur de fossiles. James Parkinson est connu dans le monde entier pour avoir fourni une description de la « paralysie agitante », une maladie qui finira par porter son nom. Pourtant, à l’exception de son ouvrage intitulé « An Essay on the Shaking Palsy », publié à Londres en 1817 par Sherwood, Neele and Jones, c’est à peine si le grand public le connaît. Seuls les spécialistes passionnés d’histoire savent que sur les six cas étudiés dans cette publication peu épaisse, James Parkinson n’en a personnellement ausculté que trois dans le détail. De ses propres dires, il aurait rencontré deux autres patients « dans la rue ». Quant au sixième, il ne l’aurait « aperçu que de loin ».

C’est d’autant plus surprenant, car Parkinson a réussi dans son petit ouvrage à décrire comme suit les symptômes de la maladie de Parkinson avec une justesse extrême : « Tremblement involontaire, en certaines parties du corps, avec diminution de la force musculaire ; tremblements n’ayant pas lieu durant le mouvement, mais se produisant alors même que ces parties sont appuyées. Tendance à plier le tronc en avant et à passer involontairement de la marche à la course. Intégrité des sens et de l’intelligence. » Cette description historique de la maladie qui touche principalement les hommes d’un certain âge, Parkinson y est parvenu lui-même à la fin de sa carrière, à l’âge de soixante-deux ans. Son intérêt pour les souffrances de ses compagnons de « vieillissement » se serait-il accru avec l’âge ? Impossible de le dire.

Il est certain cependant qu’il est né le 11 avril 1755 à Hoxton Square à Londres et qu’il commence par étudier la médecine en 1776 au Royal London Hospital. À la fin de ses études en 1784, il quitte la clinique où de célèbres neurologues tels que Lord Russel Brain ou Sir Henry Head viendront travailler plus tard. James rejoint l’officine pharmaceutique paternelle où son père John pratique aussi la chirurgie. Il devient alors membre du Royal College of Surgeons et suit les cours de John Hunter intitulés « Principes et pratique de la chirurgie ». Ce n’est que bien plus tard que son fils (Parkinson et son épouse Mary Dale ont eu six enfants) rassemblera ses notes prises à la va vite sous le titre Hunterian Reminiscences pour les publier de manière posthume en 1833.

Au service des laissés-pour-compte

Entre 1800 et 1817, Parkinson rédige de nombreux ouvrages médicaux brefs, dont une publication remarquable sur la goutte (en 1805) et un traité sur les risques d’appendicite et de péritonite (en 1812). Rédigé après avoir procédé avec son fils à l’autopsie d’un patient décédé de l’appendicite, cet article est considéré comme le tout premier descriptif circonstancié du problème dans les ouvrages scientifiques médicaux anglais. Au reste, dès 1799, il publie un essai intitulé Avertissement médicaux. Cet ouvrage de vulgarisation contient toute une palette de suggestions et d’exigences en faveur de l’amélioration de l’état de santé général de la population. Parkinson lui-même établit tout au long de sa carrière des services de chirurgie, de médecine, de psychiatrie et de gynécologie séparés pour les hommes et les femmes sur son lieu de travail, dans la paroisse de Shoreditch.

Sa vie entière témoigne de son engagement pour les laissés-pour-compte du royaume d’Angleterre et la défense de leurs intérêts par le biais de son implication politique. Ainsi, dans un plaidoyer rédigé en 1811, il appelle à une meilleure surveillance, une régulation plus stricte et des conditions de vie plus humaines dans ce qui s’appelait à l’époque des « asiles de fous » et exige que les malades mentaux, leurs soignants, leurs médecins et leur famille soient protégés sur le plan légal. Son point de vue critique et son engagement politique ralentissent sa carrière et vont jusqu’à le conduire dans des ornières. Car, en tant que franc détracteur du gouvernement William Pitt, grand défenseur des défavorisés et sympathisant de la Révolution française, James Parkinson est comme une épine dans le pied de l’establishment anglais. C’est pourquoi il signe maints pamphlets antiroyalistes sous le nom de « Old Hubert ». Il est aussi membre de deux organisations politiques, qui combattent, entre autres, pour une réforme fondamentale des impôts et des prisons (la Society for Constitutional Information et la London Corresponding Society United for the Reform of Parliamentary Representation). En fin de compte, il est accusé en 1794 d’avoir pris part à un complot (The Popgun Plot), dont le but était de tuer le roi George III lors d’une représentation de théâtre au moyen d’un pistolet rempli de cartouches à blanc empoissonnées. Suite à cette affaire, James Parkinson est sommé de répondre sous serment de sa participation au complot. Ce à quoi il rétorque être seulement membre de l’organisation et avoir publié divers écrits contraires au système établi.

Défenseur du créationnisme

Parallèlement à sa profession et à son engagement politique, Parkinson s’est intéressé très tôt aux disciplines scientifiques telles que la chimie, la géologie et la paléontologie. Il a publié un Livre de poche de Chimie, possédait une incroyable collection de minéraux et de fossiles et s’est attelé entre 1804 et 1811 à la rédaction d’un ouvrage en trois tomes intitulé Organic Remains of a Former World. Le livre comprenant d’innombrables dessins de la main même de l’auteur est considéré comme l’un des ouvrages « clé » de l’histoire de la paléontologie anglaise. En outre, Parkinson a fondé en 1797 avec quelques amis et collègues, la Société géologique de Londres. Malgré l’étendue de ses connaissances scientifiques, Parkinson a toujours refusé d’admettre que la Terre s’était développée selon un processus évolutionniste, thèse avancée par certains de ses collègues dont le géologue et naturalise écossais James Hutton. Parkinson était un ardent défenseur du créationnisme. Il était convaincu qu’une « force créatrice » était à l’origine du développement continu et ciblé de nouvelles formes de vie.

À l’instar de nombreux autres chercheurs, James Parkinson n’a pas bénéficié de beaucoup de reconnaissance et d’attention de son vivant. Ce n’est qu’en 1884, tout juste soixante ans après sa mort survenue le 21 décembre 1824 que le neurologue français Jean-Martin Charcot (1825–1893) forge l’expression « Maladie de Parkinson » tandis qu’il recommande à ses élèves la lecture de An Essay on the Shaking Palsy, (paraît-il) dans ces mots : « Difficile de se procurer ce petit pamphlet. Après de vaines recherches, j’ai réussi à me procurer un exemplaire, grâce au Dr Windsor, bibliothécaire à l’Université de Manchester. L’ouvrage est aussi court que riche d’idées extraordinaires et j’aimerais tous vous encourager à mettre la main sur une version française. Lisez l’ouvrage dans sa totalité. Il vous procurera tout le savoir et la satisfaction que l’on gagne forcément à lire la description clinique directe d’un observateur honnête et méticuleux. »

Une reconnaissance tardive

En dehors des cercles médicaux, James Parkinson demeure toutefois inconnu pendant plusieurs décennies. Ce qui explique sûrement le bon mot de l’Américain J. G. Rowntree publié dans le Bulletin of the John Hopkins Hospital en 1912 : « English born, English bred, forgotten by the English and the world at large, such was the fate of James Parkinson » [Né Anglais, éduqué par des Anglais, oublié des Anglais et du monde entier, tel fut le destin de James Parkinson]. Aujourd’hui, le découvreur de la « paralysie agitante » est bien sûr connu de beaucoup et célébré chaque année le 11 avril lors de la journée mondiale de la maladie de Parkinson. Fêtée pour la première fois en 1997 sur instigation de l’Association européenne Parkinson's europe, dont le siège est à Londres), cette journée est aujourd’hui parrainée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

James Parkinson, l'homme sans visage

Vous trouverez une petite exposition à l’endroit où Parkinson a fait ses études, au Royal London Hospital, dans l’East End londonien. Il y est clairement stipulé qu’il n’existe aucune image de James Parkinson. D’ailleurs, les ouvrages de référence sur la maladie (comme celui de H-P. Ludin, 1988) déplorent qu’il « n’existe malheureusement pas de portrait » de l’homme. Certes, Internet propose une représentation de «James Parkinson» : image, sans doute tirée d’un cliché photographique, présentant un jeune homme sérieux arborant de larges favoris. Or, la photographie est née en 1826 (grâce au premier tirage de Nicéphore Nièpce) et James Parkinson est décédé deux ans auparavant ! Le seul témoignage tangible de son existence est une simple signature conservée au Royal London Hospital.

L'histoire derrière la tulipe

Savez-vous pourquoi la tulipe est le symbole de la maladie de Parkinson ? Le Dr James Parkinson a décrit pour la première fois la maladie « Parkinson » dans son « An Essay on the Shaking Palsy » en 1817. En son honneur, une tulipe rouge a été baptisée « Dr James Parkinson » en Angleterre en 1993. Elle a ensuite été adoptée dans le monde entier par l'Association Parkinson's europe comme symbole de la maladie de Parkinson. 

 

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